Jeanne

Année: 
2012
Description: 

Fiction, durée : 17'
avec : Sigrid Bouaziz, Benoît Jacquot, Mary Dellachérie, Lucy Bodel
Directeur de la photographie : Julien Guillery
Ingénieur du son : Amandine Goetz
Montage image : Johanne Schatz
Montage son : Geoffrey Durcak

Jeanne est internée dans un hôpital psychiatrique, elle prétend être Jeanne d'Arc.

Se servant pour son histoire d'un stratagème proche de ceux employés par Bertolt Brecht, Dania Reymond permet à sa caméra de se concentrer sur l'évolution de l'image même. Plusieurs occurrences de l'histoire de Jeanne d'Arc parsèment l'histoire du cinéma et ce récit semble faire désormais partie de notre mythologie. Jean Renoir incitait les réalisateurs au « plagiat » pour qu'ils manifestent leurs choix face à des thèmes communs. Semblant aller plus loin en utilisant les minutes du procès comme texte, ce film rejoint dans ce choix celui de Robert Bresson. Il apparaît qu'au rythme vif du montage employé par Bresson s'oppose une recherche plus plastique dans l'image de Dania Reymond. C'est par cette manière que l'accent est mis sur la lente glissade du personnage de Jeanne dont le traitement par la caméra nous donne un accès presque plus immédiat que celui offert par les dialogues issus des minutes du procès. Les plans successifs montrent Jeanne glissant dans son propre cadre qui est celui de l'image, de la toile vierge. Du gros plan sur le visage au plan où elle semble enfermée dans son drap à l'image des malades dans leurs camisoles, la caméra met à jour la force de la tentative d'assimilation du lieu. Le questionnement de l'espace entre la forme et le fond forme le nœud et la force du film. Quand Jeanne demande à l'infirmière si elle croit que le médicament qu'elle tient en main est le Corps du Christ, cela équivaut à demander si elle croit qu'elle est réellement Jeanne d'Arc. C'est que, dépeignant l'histoire de Jeanne sans s'enfermer dans une représentation des mythes et des poncifs, elle lui redonne une couleur qui s'impose à nous. C'est le personnage et non ce que nous pensons généralement savoir d'elle qui cherche à retrouver une place dans cet univers blanc et froid. Univers qui pointe l'effet de projection, lui-même réinterrogé par la dichotomie entre l'acteur et son rôle, cette dernière offrant à Jeanne l'épaisseur qui n'existe plus dans les mythes. Quentin Conrate

Type: 
film
Créateur: 
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Visuels Principaux: 
Expositions: 
Evènement: 
Label: 

Fiction, durée : 17'

avec : Sigrid Bouaziz, Benoît Jacquot, Mary Dellachérie, Lucy Bodel

Directeur de la photographie : Julien Guillery

Ingénieur du son : Amandine Goetz

Montage image : Johanne Schatz

Montage son : Geoffrey Durcak



Jeanne est internée dans un hôpital psychiatrique, elle prétend être Jeanne d'Arc.


Se servant pour son histoire d'un stratagème proche de ceux employés par Bertolt Brecht, Dania Reymond permet à sa caméra de se concentrer sur l'évolution de l'image même. Plusieurs occurrences de l'histoire de Jeanne d'Arc parsèment l'histoire du cinéma et ce récit semble faire désormais partie de notre mythologie. Jean Renoir incitait les réalisateurs au « plagiat » pour qu'ils manifestent leurs choix face à des thèmes communs. Semblant aller plus loin en utilisant les minutes du procès comme texte, ce film rejoint dans ce choix celui de Robert Bresson. Il apparaît qu'au rythme vif du montage employé par Bresson s'oppose une recherche plus plastique dans l'image de Dania Reymond. C'est par cette manière que l'accent est mis sur la lente glissade du personnage de Jeanne dont le traitement par la caméra nous donne un accès presque plus immédiat que celui offert par les dialogues issus des minutes du procès. Les plans successifs montrent Jeanne glissant dans son propre cadre qui est celui de l'image, de la toile vierge. Du gros plan sur le visage au plan où elle semble enfermée dans son drap à l'image des malades dans leurs camisoles, la caméra met à jour la force de la tentative d'assimilation du lieu. Le questionnement de l'espace entre la forme et le fond forme le nœud et la force du film. Quand Jeanne demande à l'infirmière si elle croit que le médicament qu'elle tient en main est le Corps du Christ, cela équivaut à demander si elle croit qu'elle est réellement Jeanne d'Arc. C'est que, dépeignant l'histoire de Jeanne sans s'enfermer dans une représentation des mythes et des poncifs, elle lui redonne une couleur qui s'impose à nous. C'est le personnage et non ce que nous pensons généralement savoir d'elle qui cherche à retrouver une place dans cet univers blanc et froid. Univers qui pointe l'effet de projection, lui-même réinterrogé par la dichotomie entre l'acteur et son rôle, cette dernière offrant à Jeanne l'épaisseur qui n'existe plus dans les mythes. Quentin Conrate